Mercredi 3 septembre 2025 avait lieu la soutenance de notre stagiaire de M2, Camille Moisset, étudiant à l’Université d’Aix-Marseille, qui a passé les six derniers mois à analyser les données issues de nos suivis morphosédimentaires sur la côte d’Opale.
Objectifs du stage
Depuis plus de dix ans, Géodunes, en partenariat avec l’Université du Littoral Côte d’Opale, réalise des relevés topographiques biannuels entre la baie de Canche et la baie d’Authie pour le compte de la Communauté d’Agglomération des 2 Baies en Montreuillois (CA2BM). Ces suivis apportent des informations essentielles pour la stratégie de gestion de ce territoire soumis aux risques d’érosion et de submersion marine.
Les objectifs de ce stage ont été multiples :
- Synthétiser et homogénéiser l’ensemble des données ;
- Analyser l’évolution topographique à différentes échelles spatio-temporelles;
- Déterminer l’évolution du trait de côte et la tendance sur les dix dernières années ;
- Réaliser une analyse fine des bilans sédimentaires ;
- Évaluer l’impact des différentes actions de gestion réalisées sur le territoire.
De Sainte-Cécile à la rive nord de la baie d’Authie, de nombreux indicateurs ont été analysés afin de mettre en lumière les tendances d’évolution du littoral ainsi que sa réponse aux différents aménagements de protection côtière.
Une partie importante du travail a consisté à évaluer l’efficacité de l’installation de ganivelles sur les cordons dunaires, notamment aux abords de Merlimont. En effet, cette station balnéaire souffre d’un déficit sédimentaire conséquent depuis plusieurs années.
Les collectivités ont donc engagé de nombreuses actions de gestion pour protéger le front de mer et maintenir les usages touristiques (système Ecoplage, rechargements de plage, etc.).
Évolution du littoral de Merlimont depuis 10 ans
Suite aux grandes marées de l’automne 2016, le mur de l’Atlantique situé au nord de Merlimont cède sous l’action des vagues qui sapent le pied de l’ouvrage. L’érosion est massive et met en péril la partie nord de Merlimont. Les effets de bord aux jonctions entre enrochements et cordons dunaires sont importants et génèrent une érosion accélérée du littoral.
En réponse, des casiers de ganivelles sont installés sur la partie haute de la dune afin de stocker le sédiment, puis d’autres installations sont régulièrement mises en place en pied de dune.
Durant l’hiver 2019-2020, la tempête Ciara porte un coup important au bilan sédimentaire de l’ensemble de la côte d’Opale. Les installations de captation éolienne sont démantelées et l’érosion est significative au nord de Merlimont.
L’érosion de ce secteur se poursuit ponctuellement pendant plusieurs années, mais les bilans sédimentaires révèlent qu’entre chaque tempête majeure, le stock se reconstitue plus rapidement que sur des secteurs dénués de ganivelles.
Une stratégie de gestion quasi quotidienne
La collectivité maintient ses actions de gestion de manière intensive, notamment sur les casiers de ganivelles :
• Visite de site hebdomadaire, avec une attention accrue lors des marées de vives-eaux ;
• Réinstallation systématique dès qu’un casier est démantelé ;
• Agrandissement des casiers dès qu’ils sont remplis.
Les bilans sédimentaires calculés révèlent alors une nette tendance à l’accumulation de sédiment depuis 2020 (environ +3000 m3/an), et ce malgré les coups de vent et tempêtes survenus entre 2020 et 2025.
Les tempêtes de 2023-2024 n’ont pas entraîné d’érosion significative du stock sédimentaire, lequel s’est reconstitué rapidement grâce à un volume global important. Cela confirme la bonne résilience du massif dunaire.
Ces gains s’accompagnent d’une progradation significative du trait de côte, atteignant +3 m/an entre 2020 et 2025 au niveau des dunes nord de Merlimont. En parallèle, les stocks de sable accumulés permettent à la végétation de s’installer, participant à son tour à la captation du sable éolien.
Par rétroaction positive, la croissance du cordon dunaire et la progradation du trait de côte des dunes nord permettent également l’engraissement du haut de plage jusqu’aux abords des enrochements nord. In fine, c’est l’ensemble du système côtier qui gagne du sédiment.
L’efficacité des solutions fondées sur la nature (SFN)
Les SFN sont au cœur de la stratégie de gestion des littoraux. Elles combinent protection côtière, restauration de l’environnement dunaire et préservation de la biodiversité. Elles ne constituent cependant pas seulement une solution technique, mais bien une stratégie globale mêlant l’entretien, la surveillance et une réactivité face aux forçages météo-marins.
Les résultats de ces suivis illustrent et confirment l’efficacité de ces solutions souples fondées sur la nature, mais soulignent également la nécessité d’un entretien et d’une gestion régulière pour en maintenir les bénéfices.
Suite à donner
Si les observations mettent en évidence la pertinence de ces actions de gestion, à quels moments les processus de rétroaction positive se mettent en place ? Comment déterminer la capacité de résilience de ces cordons dunaires ? Les systèmes littoraux fonctionnent par effet de seuil, influencés par de nombreux paramètres qui interagissent entre eux. Une analyse des différents paramètres va être réalisée afin de déterminer le ou les indicateurs prédominants dans la capacité de reconstruction du stock sableux. L’objectif est de pouvoir fournir des éléments concrets pour les collectivités en matière de gestion des espaces dunaires.
Ce travail à l’échelle du territoire de la CA2BM fera l’objet de plusieurs publications au cours de l’année 2026, en partenariat avec l’Université du Littoral Côte d’Opale afin de valoriser ces enseignements auprès de la communauté scientifique et des collectivités.