Tempête Odette : Le littoral Dunkerquois sous le sable – Explications

Vendredi 25 septembre 2020,  et pendant tout le week-end, la tempête Odette a balayé les côtes françaises et belges de la mer du Nord.

Avec des pointes dépassant les 100 km/h et une direction nord-ouest. Perrés, digues et terrasses de restaurant se sont retrouvés complètement sous le sable en très peu de temps. Si le transport éolien et les accumulations de sable ne sont pas rares sur le littoral, celles-ci se démarquent par leur envergure et la rapidité avec laquelle les infrastructures humaines ont été ensablées.

Sur Dunkerque et Malo-les-Bains, certains pointent du doigt le rechargement de la digue des Alliés réalisé en 2014. Ce réensablement massif de 1,5 millions de mètres cubes avait rehaussé la plage de plusieurs mètres et augmenté considérablement la largeur de plage sèche. L’objectif étant de protéger la digue des Alliés, ouvrage majeur dans la protection de l’arrière-pays dunkerquois contre les submersions marines.

Vitesses du vent à Dunkerque pendant la tempête Odette (Source : Infoclimat.fr)
Vitesses du vent à Dunkerque pendant la tempête Odette (Source : Infoclimat.fr)

comment expliquer l’ensablement massif du perré de Malo-les-Bains ?

La réponse n’est pas si simple.

Quelques éléments de connaissance sur les processus mis en jeu dans le transport éolien. Le transport éolien dépend de plusieurs facteurs :

  • La source en matériaux : Pour qu’il y ait transport, il faut du sable. Où plus la granulométrie (cad la taille des grains) sera petite, plus le transport sera initié par faible vitesse de vent.
  • L’humidité de surface : le sable sec s’envole plus facilement que du sable humide. C’est pour cela, qu’il y a peu de transport sur l’estran qui est la plupart du temps mouillé. Il est possible d’en observer sur les barres à marée basse lorsque le vent est particulièrement important.
  • La vitesse du vent: pour des conditions physiques similaires, le transport éolien est plus important avec l’augmentation de la vitesse du vent.
  • La direction du vent: sur le littoral Dunkerquois, un vent d’est ou un vent de sud n’aura pas les mêmes conséquences en termes de transport.
  • La zone de Fetch : le fetch correspond à la surface d’envol disponible. A marée basse , la surface d’envol est plus importante qu’à marée haute. Si le vent vient de l’ouest ou de l’est, il souffle donc parallèlement à la côte, le fetch est donc très important engendrant un transport plus efficace.

La carte ci-dessous fait l’état des lieux de la situation de Malo les Bains lors de la tempête Odette. Les accumulations les plus importantes sur le perré sont localisées sur la partie situé à l’ouest de la place du Centenaire ainsi qu’au niveau des terrasses de bar situées à proximité de la rue de Flandres.

L’orientation Nord, nord -Ouest du vent lors de la tempête induit inévitablement un envol de sédiment très important notamment à proximité de la plage de la digue des Alliés où la plage sèche est beaucoup plus large que sur le reste du linéaire. Le transport y est donc facilité.

Juste à l’est de la place du centenaire, la plage sèche reste assez importante en raison de l’entretien permanent du haut de plage pour le maintien des activités touristiques (bar, terrain de volley, cabines de plage). Le transport y donc important également.

Plus à l’est, la plage sèche est moins large, le niveau de la plage est plus bas (notamment devant le méridien). Le transport est moins important et il est plus difficile d’atteindre le haut du perré en raison du bas niveau de la plage.

État des lieux tempête Odette
État des lieux tempête Odette

C’est le rechargement qui est responsable alors ?

Sa présence engendre naturellement un envol facilité du sable sur les terrasses situées à proximité. Néanmoins son impact est limité exclusivement à la partie située à l’Ouest du Kursaal. En effet, au-delà, les suivis que Géodunes réalisent depuis 6 ans montrent que le déplacement du stock de sable vers l’est est très lent et il est, en septembre 2020, au niveau de la place du centenaire (en face du Kursaal). Rappelons également que ce secteur est protégé par le rechargement depuis mars 2014. Sans ce rechargement, ce secteur est plus sensible à la submersion marine comme ce fût le cas lors de la tempête Xaver en 2013. La mer était passée sur le perré, inondant les bars. Ne vaut-il mieux pas un peu de sable que la mer du nord dans son établissement ?

Pourquoi il y a t il autant de sable alors à l’Est ?

D’une part les conditions de vent étaient très favorables pour un transport efficace. D’autres part, l’entretien mécanique de ce secteur permet d’obtenir une plage sèche toute l’année or nous avons vu que le transport est facilité si le sable est sec. Enfin, les terrasses sont directement installées sur la plage donc en premières lignes constituant un rempart où s’accumule le sable.

Ce coup de vent intervient également en fin de saison estivale où les plages ont eu tendance à accumuler du sable depuis le mois de juin, le stock de sable sec est donc relativement important à cette période de l’année.

En tout cas, c’est du jamais vu !?

Non. Le transport de sable sur le perré de Malo les Bains a toujours existé comme en témoigne la photo ci-contre en 2002, 12 ans avant le rechargement de la plage. C’est plus impressionnant car il y a plus d’infrastructures sur la plage qui ont permis de stocker rapidement le sable.

Accumulation rythmique de sables en haut de plage par un vent longitudinal de tempête (27 oct. 2002) - Site de Malo-les-Bains près de Leffrinckouke
Accumulation rythmique de sables en haut de plage par un vent longitudinal de tempête (27 oct. 2002) – Site de Malo-les-Bains près de Leffrinckouke

Ne vaut-il mieux pas un peu de sable que la mer du nord dans son établissement ?

Digue de Malo submergée
Digue de Malo submergée

Même si la surface d’envol joue un rôle dans le transport éolien, il n’y a pas besoin d’avoir une largeur très importante pour avoir un transport efficace si la vitesse du vent est très élevée comme ce fût le cas lors de la tempête Odette.

La vidéo ci-contre montre le transport de sable au niveau de la plage de la digue des Alliés alors que la mer est quasiment haute, la zone de fetch est alors d’une centaine de mètre. Il apparait clairement que le transport est considérable malgré cette petite surface d’envol.

La compréhension des phénomènes éoliens n’est donc pas si aisée au regard de l’ensemble des facteurs agissant.

Avec cette tempête, les cordons dunaires ont dû être encore attaqué ?

Non. Heureusement, cette tempête intervient une semaine après les grandes marées. Le coefficient de marée était d’environ 40. La mer n’a donc pas atteint le pied de dune laissant une plage sèche disponible. Par conséquent, la concomitance d’un faible coefficient de marée avec une tempête ayant des vents provenant de la mer est plutôt positif pour le développement dunaire. La plage sèche disponible constitue alors une source de sédiment pour les cordons dunaires contribuant ainsi à leur protection et leur croissance. Le fait que cela intervient en fin de saison estivale favorise d’autant plus cette alimentation puisque le pied de dune s’était déjà engraissé au cours de l’été constituant une rampe naturelle pour le transport éolien.

Les dunes Dewulf, Marchand et Perroquet ne présentent aucuns signes d’érosion mais plutôt des signes d’accumulation en pied de dune.

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